« Sous les fleurs de la forêt de cerisiers » est une pièce mise en scène par Hideki Noda en 1989, reprise en 1992, en 2001 et ce vendredi 28 septembre 2018 dans le prestigieux Théâtre national de la danse Chaillot. Une première représentation de cette pièce couronnée de succès!

Hideki Noda est un dramaturge qui a écrit une quarantaine de pièces, et il reprend aujourd’hui une de ses pièces phares pour le rejouer à Paris, dans une salle comble. Par le biais de ce spectacle, il nous montre sa réflexion sur l’État et les enjeux du pouvoir. La base de son histoire est inspirée de deux textes courts d’Ango Sakaguchi, (1906-1955) : Sous les fleurs de la forêt de cerisiers et Yonagahime et Mimio. Dans sa thématique générale, la pièce nous raconte l’histoire de la première guerre de succession du Japon en 627.

Des oni (鬼) remplissent la scène du début à la fin, qui sont des créatures d’un autre monde ou autrement dit des démons. Ces créatures sont très sollicitées dans le folklore japonais (arts, littératures et théâtres). Dans cette pièce, les oni côtoient les humains. Ils sont présents dans les moments les plus sombres de l’histoire, mais aussi dans les moments les plus heureux, afin de semer le doute dans l’esprit des êtres humains. Telles des montagnes russes, les émotions de la pièce de théâtre vacillent d’un moment à l’autre sous la lumière du soleil à celle de la nuit. Ces phases sont soulignées par les merveilleuses interprétations de la Princesse Longue-nuit, Yonagahime qui est le personnage sombre de l’histoire malgré son apparence, et la Princesse Sommeil-précoce, Hayanehime, l’opposée de sa soeur. Filles du seigneur de Hida, pour leur protection le père fait appel à des maîtres artisans pour leur sculpter un Bouddha. Ce n’est sans compter que sur ces trois artisans, deux ont usurpés l’identité des protagonistes qu’ils ont tués.

Au-delà du bien et du mal, au-delà de la réflexion, la pièce connaît beaucoup de rebondissements. Jouée par trente comédiens, elle connaît une certaine complexité pour les spectateurs français. Le texte étant joué en japonais, on nous délivre un sous-titre en français, sur deux écrans, bien au-dessus de la tête des acteurs. Les 2H30 avec entracte passe à une allure hallucinante. Mais non pas que par son temps horlogique, mais par ces épisodes qui défilent aussi vite. Il était difficile de suivre le jeu d’acteurs en même temps que la lecture du sous-titrage. On s’habitue tant bien que mal au final à notre hochement de tête, d’haut en bas, afin de suivre la traduction et les mouvements des personnages. En dehors même de cette traduction, il faut savoir que le deuxième défi est la compréhension de l’histoire par acte. En effet, le scénario nous offre à son tour une certaine difficulté au niveau du dialogue. Tantôt nous avons l’impression que les différents actes n’ont rien à avoir les uns avec les autres, tantôt nous nous rendons compte qu’il y a bien un suivit de cette ribambelle d’histoires. La cause est probablement dû au langage utilisé, car rappelons-le, nous sommes vers l’an 627. Je me suis moi-même emmêlée les pinceaux dans le scénario avec mon acolyte, bien que certains passages sont compréhensibles.

Les ambiances sont bien scindées grâce aux superbes décorations mobiles de la scène. Une bonne représentation du printemps sous les fleurs de cerisiers, des pétales tombant, des couleurs vives, tant dans les accessoires, que dans les costumes. Et surtout, des acteurs sensationnels! Des chants et des mimiques enchaînés dans un rythme effréné. On a des séquences d’amour, d’espoir, de désespoir, de croyance, de culpabilité, … toutes les émotions humaines jalonnent la scène, et c’est à partir de ces caractères humains que l’auteur nous fait garder les pieds sur terre. Ce qui m’a le plus impressionné, c’est la montée de la porte des oni. Je ne m’attendais pas à ce que cela soit possible sous nos yeux, mais grâce au Palais Chaillot et de leurs infrastructures, on a pu voir un travail monumental se dérouler devant nous.
Le nombre de fois que je me suis demandé : « c’est à quel moment la pause? »… et bien, sachez qu’il y en a pas en dehors de l’entracte. Toutes les séquences s’enchaînent avec une tonicité sans faille. L’échappée belle vers un univers transverse, il n’y a que le dramaturge Hideki Noda qui a su donner vie, et les acteurs sur scène nous inviter à trépasser l’imaginaire.
*Lieu : Théâtre national de la danse Chaillot – 1 Place du Trocadéro, 75016 Paris
*Dates : du 28 septembre au 3 octobre 2018
Un grand merci à Catherine PAPEGUAY pour l’invitation et au Palais Chaillot pour leur accueil.

